Aboubakar Cissé victime d'une "double peine".

Ce jeune musulman dont les proches décrivent comme un homme très sociable et bien connu de la commune de La Grand-Combe est victime d’un meurtre lâche, raciste et islamophobe.

Aboubakar Cissé est arrivé en France en 2017. Il est venu rejoindre ses parents et une partie de sa famille installés à Paris. Guidé par une association de demandeurs d’asile, il s’est finalement dirigé vers le sud de la France, d’abord à Bessèges dans le nord du Gard avant de s’installer à La Grand-Combe. Il s’inscrit au lycée professionnel privé Pasteur pour passer un CAP menuiserie et fréquentait régulièrement la mosquée du village.

Considéré comme réservé Aboubakar disait bonjour à tout le monde, demandait des nouvelles de chacun reconnaissent ses coreligionnaires.

Comme à ses habitudes, ce vendredi, jour de grande prière, Aboubakar Cissé était en train de nettoyer la mosquée avant le début de la prière. C’est là que son bourreau à qui il était sensé montrer comment prier, s’est approché de lui, s’est agenouillé avec sa victime pour prier avant de se relever soudainement et de poignarder sauvagement Aboubakar, encore au sol, à une quarantaine de reprises, notamment au torse et à l’abdomen. Il prit le temps de sortir son téléphone et de filmer sa victime agonisante. Dans sa réalisation macabre, le meurtrier s’est filmé se félicitant de son acte tout en insultant la religion musulmane: “Je l’ai fait, (…) ton Allah de merde”.

Lorsque la nouvelle s’est répandue, la stupéfaction fit place aux questionnements. Comment un homme de confiance et très serviable, à qui on avait confié les clés de la mosquée et d’une gentillesse attestée par tous peut-il âtre sauvagement tué pendant qu’il apprêtait le lieu saint pour la prière du jour.

Dans sa douleur, sa famille reste digne et tente de faire son deuil sereinement. La barbarie du meurtre ne peut toutefois pas empêcher de laisser éclater une “colère légitime” à travers laquelle elle dénonce un acte “terroriste, raciste et islamophobe” parceque le seul tort imputable à Aboubakar est de se trouver dans une mosquée et d’être musulman. Les fidèles de La Grand-Combe se sentent quant à eux submergés par ce “drame atroce” pour lequel ils regrettent de n’avoir eu “aucun soutien de la part des représentants politiques qui d’habitude se précipitent même sans avoir connaissance de tous les éléments pour exprimer leur indignation et condamner à juste titre”.

“Pas de solidarité de la république”

Dans une émission de télévision diffusée le 1er mai, l’avocat de la famille, Maître Mourad Battikh a souligné le “deux poids, deux mesures” avec le “silence criard” et a jugé “absolument choquant” que le parquet national antiterroriste (Pnat) ne se soit pas saisi de ce dossier. Quant à Maître Benlefki, il dénonce un “traitement scandaleux” au regard des faits et des éléments probants. Quel que soit le lieu de culte, la prise en charge devrait être la même par les autorités et les politiques.

Olivier H. le meurtrier présumé âgé de 21 ans a été interpellé en Italie après un peu plus de 48 heures de traque a nié avoir agi par haine de l’islam, mais par pulsion meurtrière et qu’il a tué Aboubakar Cissé juste parcequ’il se trouvait sur son chemin.

Cette version ne convainc pas les avocats de la famille de la victime pour qui, la vidéo faite par le tueur ne permet aucun doute que c’est un acte terroriste. Et on peut facilement comprendre que les fidèles musulmans puissent avoir le sentiment que ce “deux poids, deux mesures” se matérialise un peu plus chaque jour et que cette solidarité républicaine à l’œuvre au profit des autres communautés ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de la communauté musulmane.

Et cet échange que j’ai eu avec ce militant rencontré dans la procession du 1er mai me revient à l’esprit: “Le camarade Aboubakar Cissé est victime de la double peine”. Me dit-il lorsqu’on parlait de ce meurtre horrible, son regard fixant un horizon imaginaire.

Je fus curieux de connaître cette “double peine”.

-”Vois-tu mon ami, me lança t-il avec une assurance de celui qui maîtrise la chose politique. “Sa double peine est que notre frère Aboubakar est victime des deux (M) qui le caractérisent: Il est Malien et Musulman à la fois”.

Et le cortège s’ébranla avec ses slogans…

Bacary Goudiaby